Entre la quantité et la qualité, l’Athlétic Club Salonais a décidé de ne pas choisir. Une option qui s’est avérée payante lors de la Coupe de France, le 16 octobre dernier, à Vénissieux. Avec une quinzaine de participants présents et 5 podiums au final, dont 4 pour les lanceurs, le club provençal a été l’un des grands gagnants de la compétition. Une récompense pour le groupe de Pierre Aletti, en charge des lancers. Et une occasion supplémentaire de resserrer les liens entre les athlètes.
La Coupe de France n’est pas la plus médiatique des rencontres d’athlétisme. Si la formule tient plutôt de l’euphémisme, cette compétition, où les clubs s’affrontent par équipes et par disciplines, est pourtant un révélateur de l’état d’esprit qui règne dans les clubs. Des preuves ? La présence de Christophe Lemaitre, triple champion d’Europe et athlète européen de l’année, qui a tenu à participer aux relais avec son club d’Aix-les-Bains et ses amis d’entraînement. Mais aussi et surtout, la réussite des lanceurs de l’AC Salonais. « La Coupe de France, c’est vraiment un truc par équipes, confirme Tumataï Dauphin, lanceur de poids à Salon-de-Provence depuis 2006. Quand mes potes ont battu leur record, j’étais plus content que si ça m’arrivait à moi. C’est indescriptible. » A 22 ans, cet athlète au physique impressionnant (1m88, 145 kilos), déjà deux sélections internationales senior au compteur, a été l’un des acteurs majeurs de la réussite du club, prenant les premières places aux lancers de poids (17m03) et de disque (46m13) à Vénissieux. Mais il tient à souligner l’aspect collectif de l’aventure. A Salon-de-Provence, explique-t-il, « le groupe de lancers est assez bien réparti : il y autant de garçons que de filles. On est soudés. Quand on se croise dans la rue, on s’arrête. C’est une bande de potes qui fait du lancer. » A Vénissieux, certains athlètes salonais non retenus pour participer à la compétition étaient venus encourager leurs coéquipiers. « On s’entraide, on se motive tous ensemble, même si on est de différents niveaux. On ne se la joue pas », résume Irène Donzelot, venue du Montbéliard Belfort Athlétisme, après s’être entraînée avec le groupe provençal depuis mars dernier. Championne de France de disque cet été à Valence, elle a assuré l’essentiel au poids (10 m 66) et au disque (48 m 43) pour un début de saison.

L’entraîneur Pierre Aletti, ancien lanceur de haut niveau, n’a pas eu de problème pour motiver les troupes pour l’événement. « Je leur ai dit : ‘Profitez de cet instant, ça n’arrive pas tous les jours.’ Ils avaient ça en tête depuis presque un an. » Pour l’AC Salonais, l’occasion est en effet rare de batailler avec les grands clubs nationaux dans les compétitions par équipes. « Là, on se tire la bourre avec de grosses écuries comme Montreuil ou Lyon, avec lesquelles on ne pourrait pas rivaliser en interclubs », résume Pierre Aletti, ravi de pouvoir échanger avec d’autres coachs. « On se sert de cette compétition pour la saison qui arrive, comme d’un tremplin pour les entraînements, mais aussi pour donner aux jeunes l’envie de venir et pour que les plus vieux ne partent pas. » Pour lui, la Coupe de France est porteuse de valeurs : « en championnat par équipes, les athlètes, internationaux ou débutants, ont tous la même valeur. » « Le groupe lancers a une façon d’intégrer tout le monde, de faire la fête quand il faut faire la fête et de serrer les coudes dans les moments difficiles. Cela attire », analyse Jean-Luc Trouessin, président de l’AC Salonais. Une attractivité essentielle pour un club qui mise plus sur la formation que le recrutement. Sur les quelque 350 licenciés actuels, une trentaine sont des spécialistes du poids, du disque, du marteau ou du javelot. Habituel parent pauvre de l’athlétisme, le lancer est un des atouts de l’AC Salonais, se réjouit Pierre Aletti : « Dans trop de clubs, les lanceurs sont des individus dont on se sert deux fois par an pour les interclubs. Ici, ce n’est pas le cas. » Depuis 2004, c’est la troisième fois que l’AC Salonais remporte la Coupe de France de lancers, pour la première fois chez les filles. « On n’attend pas que l’on nous trouve des solutions, on les trouve nous-mêmes », explique celui qui entraîne les lanceurs depuis une quinzaine d’années. Le groupe de lancers organise ainsi des soirées tombola pour financer le grand stage d’avril. L’entraîneur tient pourtant à préciser : « On aime bien l’esprit de groupe, mais le groupe est au sein du club. Sans lui, on n’y arriverait pas. » A Salon-de-Provence, la réussite des lanceurs ne date pas d’hier. « Le premier facteur pour expliquer les performances, c’est l’antériorité », explique Jean-Luc Trouessin. Avant même la naissance du club, il y a une quinzaine d’années, la MJC de Salon-de-Provence avait vu quelques lanceurs éclore, sous la houlette de Jacques Pelgas, entraîneur emblématique de la discipline. Depuis, Pierre Aletti perpétue la tradition, entouré de Catherine Gery et Joël Delauretis. Les clichés sur cette discipline particulière ont été balayés depuis longtemps. « Le lancer a un peu la réputation d’être l’épreuve de brutes de l’athlétisme, pourtant, c’est beau de voir les engins partir à toute vitesse. Et ça exige beaucoup de technique », résume Irène Donzelot, dont le physique léger prouve que tous les gabarits peuvent réussir dans cette discipline. Avec son allure de déménageur, Tumataï Dauphin, qui partage sa vie depuis qu’ils se sont rencontrés aux championnats d’Europe espoirs de Kaunas en 2009, acquiesce. Le soir du mercredi 27 octobre, le groupe des lancers organisera une fête avec certains cadres du club. Un moyen parmi d’autres de « transmettre et partager cet esprit de groupe avec les autres disciplines », raconte Pierre Aletti. Ce sera aussi l’occasion d’évoquer de nouveaux objectifs, car « la Coupe de France, on ne va pas vivre dessus pendant huit mois », conclut l’entraîneur.
Yann Bouchez pour athle.com
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